Histoire
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Des monuments d’avant-garde dans un environnement naturel exceptionnel ? Bienvenue au Cap Martin, dans un lieu intime de renommée internationale !
L’histoire commence en 1925, lorsqu’Eileen Gray et Jean Badovici découvrent un terrain en bord de mer, à Roquebrune-Cap-Martin. Sur la Riviera française entre Monaco et Menton, le Cap-Martin est alors un lieu de villégiature très réputé, desservi par le chemin de fer depuis 1869.
Irlandaise, Eileen Gray est designer. Jean Badovici, d’origine roumaine, est architecte et rédacteur en chef de la revue l’Architecture vivante. Ils partagent une même vision de l’architecture, tournée vers l’individu à l’heure des grands ensembles. La Villa E-1027, achevée en 1929, est un manifeste de leur approche innovante. Elle est aussi une œuvre totale où l’architecture et le design sont intimement liés, dans une subtile alliance de modernité, de confort et d’élégance. Dès l’origine, la villa est conçue pour Jean Badovici, pour un homme seul et sportif, qui reçoit des amis.
E-1027, c’est tout d’abord des initiales entremêlées : E, pour Eileen, 10 comme le J, dixième lettre de l’alphabet, 2 pour B et 7 pour G. C’est aussi l’une des premières architectures de béton appliquant les 5 points de l’architecture moderne définies par Le Corbusier : les pilotis, le toit terrasse, les fenêtres en bandeau et la façade libre. C’est surtout un habitat aux mesures de l’individu, à l’écoute de ses besoins et au service de sa délectation.
Cette villa est à la pointe de l’avant-garde. Elle épouse parfaitement le terrain étagé sur lequel elle vient se poser, comme un bateau à quai. Et tout dans le bâtiment évoque la navigation ! Bien sûr, la bouée accrochée au balcon en est un signe évident, mais la silhouette générale de la villa, son organisation et même les meubles plongent le visiteur dans une croisière immobile. Depuis le pont jusqu’aux cabines, tous les codes de la navigation de plaisance sont présents : les meubles sont petits et les tiroirs conçus pour ne pas s’ouvrir en cas de forte mer. Les couleurs de la villa sont elles-mêmes une transposition de l’environnement : bleu côté mer, ocre coté terre, à l’image des roches naturelles et des murs de pierre sèche soutenant les terrasses.
En 1938 et 1939, Le Corbusier y séjourne et peint alors certains murs de la Villa, avec l’accord de son hôte, Jean Badovici. Il y reviendra en 1949, la louant pour y travailler avec son équipe à l’élaboration des plans d’urbanisme de Bogota.
C’est à cette époque que Thomas Rebutato, ancien plombier de Nice, entreprend la construction d’une cabane de pêcheur avant de se raviser pour entreprendre en 1949 l’édification d’un bar-restaurant, l’Etoile de Mer. Le Corbusier viendra y prendre ses repas et sympathisera avec le propriétaire dont il deviendra très proche. Conquis par les lieux, il obtient très vite de Thomas Rebutato que celui-ci lui cède le terrain mitoyen. Dès 1952, il y implantera son célèbre Cabanon, construit en Corse par les ateliers de Charles Barberis. Mais, si le Cabanon constitue une synthèse des travaux de Le Corbusier sur l’architecture modulaire, il est aussi une extension de l’Etoile de Mer soulignant par l’architecture l’amitié qui unit les deux hommes.
En 1954, Le Corbusier fait installer un petit atelier à quelques mètres du Cabanon. Ce petit édifice préfabriqué lui offre un point de vue magnifique sur la mer lors des séances de travail qui ponctuent son repos estival.
Sur le terrain de l’Etoile de Mer s’installent très vite des campeurs, séduits par les lieux. Le Corbusier construit alors pour Thomas Rebutato les 5 Unités de camping en 1957, à cheval sur deux terrasses voisines du bar-restaurant. Chacune, d’une surface de 9m², reprend les codes et les proportions définies par l’architecte, offrant un panorama éblouissant sur la baie. Cette aventure humaine n’attend que vous pour se prolonger dans la douceur turquoise du Cap Martin